Mondes urbains chinois / Services essentiels en réseaux et fabrique urbaine en Chine : verdir le développement accéléré ?

Rémi Curien

L’article de Rémi Curien au format PDF


La Chine connaît depuis 1979 un développement économique et urbain accéléré : croissance à deux chiffres (jusqu’à 2013), urbanisation rapide et massive (de 200 à 700 millions d’urbains aujourd’hui). Ce développement prodigieux a permis à la Chine de devenir une grande puissance mondiale, et à une partie importante de sa population d’élever son niveau de vie. Mais il engendre aussi une lourde dégradation environnementale (Wu F., 2009) : effets sur le changement climatique, rareté et pollution des ressources en eau, pollution de l’air, utilisation excessive et pollution des sols… Cette dégradation environnementale génère des inquiétudes sérieuses à la fois sur la disponibilité et la pérennité des ressources, sur la santé des populations, et même sur l’économie chinoise à terme.

Dans ce contexte, depuis 2006, les autorités chinoises centrales ont officiellement engagé un « tournant environnemental », et formulent l’ambition d’un changement de mode de développement, moins consommateur de ressources et plus soucieux de l’environnement. Elles ont fixé des objectifs nationaux chiffrés élevés dans le 12ème plan quinquennal (2011-2015) : objectif de réduction de l’intensité énergétique de 16 %, d’une augmentation de 8 % à 15 % en 2020 de la part de ressources non fossiles dans le mix énergétique… À cette fin, elles ont lancé en 2008 d’ambitieux programmes d’économie circulaire et de développement urbain « harmonieux ». Ces programmes se déclinent sur le terrain principalement par la conduite de dizaines d’opérations nationales de parcs éco-industriels et d’éco-cités (Hao et al., 2010), parmi lesquelles trois sont considérées comme des références en Chine : la ville – parc industriel de Suzhou Industrial Park1 (SIP), le parc pétrochimique de Shanghai Chemical Industry Park2 (SCIP), et l’éco-cité sino-singapourienne de Tianjin, l’opération phare et vitrine dans le pays, que nous analyserons plus bas.

Quelle environnementalisation dans le cadre d’un développement accéléré ?

La recherche de sobriété et d’amélioration de la qualité environnementale est engagée par les autorités depuis 2006. Mais dans le même temps la priorité nationale pour les 15 prochaines années reste la poursuite du développement rapide et massif : un objectif de 7 % de croissance économique ; un taux de croissance urbaine maintenu à 4 % par an, soit environ 300 millions d’urbains supplémentaires prévus d’ici 2030.

Or, intégrer ces 15 à 20 millions d’urbains supplémentaires chaque année suppose d’ouvrir des milliers de km² de terres agricoles à l’urbanisation, de construire des millions de logements, de kilomètres d’infrastructures de réseaux chaque année. Cela induit nécessairement une augmentation sensible des demandes et consommations d’énergie, de matières et d’eau par personne, et une pression croissante sur les milieux, et cela paraît donc foncièrement antinomique de l’idée de rechercher une « environnementalisation » du développement urbain et des services essentiels.

Ce discours environnemental des dirigeants du Parti communiste chinois s’inscrit dans la tradition que ces derniers ont de formuler des grands récits pour le développement du pays3, scandés par des slogans, s’adressant à la population chinoise, ainsi qu’à la communauté internationale. Ces récits annoncent généralement des objectifs très ambitieux, souvent inatteignables. Aux yeux des autorités chinoises, l’accomplissement effectif de ces objectifs importe moins que les effets politiques et d’image qu’elles escomptent, en les affichant.

Transformer le contenu de la croissance économique et urbaine sans en changer le rythme : tel est donc le pari des autorités chinoises, à travers les programmes d’économie circulaire et d’urbanisation harmonieuse, qui visent à optimiser l’utilisation des ressources et mieux préserver les milieux naturels, mais sans brider la croissance économique, notamment par le développement de systèmes de rebouclage des flux d’eau, d’énergie et de matières.

Cette spécificité du contexte chinois façonne notre questionnement, qui consiste à analyser quelle est l’environnementalisation des services urbains essentiels (fourniture de l’eau potable, assainissement des eaux usées, traitement des eaux pluviales ; de l’énergie – distribution de gaz, d’électricité et de chaleur – ; et de la gestion des déchets solides) mise en œuvre en Chine dans le cadre d’un développement accéléré.

Méthode. Cet article est issu d’un travail de thèse (Curien, 2014). Nous avons mené des enquêtes à Shanghai (notamment à SCIP), Suzhou (notamment à SIP) et Tianjin, trois villes à la pointe des transformations en Chine, dont nous développons ici principalement l’étude de cas de l’éco-cité de Tianjin, opération phare et vitrine, la plus ambitieuse et substantielle sur le plan environnemental dans le pays, combinée à une analyse du cadre national et de la situation globale chinoise. Nous avons réalisé une centaine d’entretiens, auprès d’autorités administratives, de firmes de services essentiels, de professeurs et chercheurs, d’organismes internationaux, d’architectes et urbanistes praticiens.

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Environnementalisation, sobriété, qualité environnementale

« L’environnementalisation » est une notion large, qui recouvre l’ensemble des processus socio-techniques visant à intégrer les enjeux environnementaux dans le fonctionnement d’un territoire, et qui permet d’embrasser les deux pans d’action poursuivis simultanément par les autorités chinoises en matière environnementale dans la fourniture des services essentiels :

– la recherche de « sobriété » dans l’utilisation de ressources en eau, en énergie et en matières, et dans les rejets de déchets et polluants – idée d’une optimisation et d’une réduction quantitative de l’utilisation des ressources, sur un territoire donné ;

– la recherche d’amélioration de la « qualité environnementale » des services essentiels : de l’eau distribuée, du traitement des eaux usées, des boues, des déchets solides ; de la construction et de la maintenance des réseaux – idée d’une préservation qualitative des milieux (eau, air, sols).

Cette distinction analytique fournit une grille de lecture pour préciser notre questionnement. Nous menons ainsi la réflexion à deux niveaux : observe-t-on sur le terrain en Chine, en dépit du maintien d’un cadre de développement accéléré, des changements substantiels en direction d’une plus grande sobriété dans la fourniture des services urbains essentiels, et/ou en direction d’une amélioration graduelle de la qualité environnementale de leur fourniture ?

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La Chine, « laboratoire » de la ville durable ?

Le premier niveau de questionnement s’insère dans un débat scientifique international sur l’environnementalisation des services urbains essentiels, la remise en question de la supériorité absolue du modèle des grands réseaux conventionnels centralisés (unitaires et déployés sur de vastes distances) sectorisés (sans connexion entre les différents services) – conceptualisés, mis en œuvre et gérés originellement dans les pays d’industrialisation ancienne –, qui conduirait à une utilisation assez dispendieuse des ressources.

Des systèmes alternatifs de services essentiels émergent depuis une quinzaine d’années à travers le monde dans des opérations d’« éco-quartiers », d’« éco-cités » ou de « parcs éco-industriels ». Ces systèmes visent à mettre en œuvre une circulation rebouclée des flux d’eau, d’énergie et de matières, à des échelles plus ou moins locales (agglomération, ville, quartier, bâtiment), et de façon plus ou moins intégrée entre les différents flux, pour réduire sur un territoire donné les prélèvements de ressources en amont et les pollutions en aval. On peut ainsi mettre en relief deux principales dimensions dans l’émergence de systèmes alternatifs aux réseaux conventionnels :

– la redéfinition des échelles d’organisation des services urbains (décentralisation, autonomisation) ;

– la redéfinition des relations entre les différents flux et services essentiels (couplages ou symbioses entre flux).

Le développement de ces systèmes alternatifs reste limité à ce jour à une petite portion des territoires urbains. Des incertitudes importantes sont débattues concernant leur rentabilité économique, les risques sanitaires associés, leurs implications socio-spatiales éventuelles.

L’étude du cas chinois peut apporter des éclairages originaux dans ce débat. L’enjeu de la sobriété dans l’utilisation des ressources y est particulièrement important dans l’agenda politique. La question s’y pose de façon originale : dans le contexte d’un développement accéléré, nous l’avons vu. En outre, la Chine présente de nombreuses configurations de création de villes nouvelles s’approchant de « pages blanches » sans héritage infrastructurel.

Cette recherche d’innovations dans la fourniture des services essentiels dans le pays suscite l’intérêt d’un grand nombre d’acteurs. Le territoire chinois est même souvent présenté comme un « laboratoire de la ville durable ». Une partie de notre recherche vise donc à apporter un éclairage empirique à ces questions, à la substance de ces systèmes alternatifs, leur poids dans l’architecture d’ensemble des services essentiels, leur efficacité et pertinence, leurs conditions d’émergence et de développement.

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Explorer les relations entre services essentiels en réseaux et fabrique urbaine

Un postulat sous-tend notre questionnement : les services essentiels sont des systèmes socio-techniques dont la conception et l’organisation sont enchâssées dans leur environnement socio-économique et urbain. Notre démarche consiste ainsi à étudier les politiques et opérations d’environnementalisation des services essentiels mises en œuvre en Chine en les articulant avec des données contextuelles politiques, économiques, institutionnelles, urbanistiques qui les structurent.

Nous explorons plus spécifiquement la question des relations entre services essentiels et fabrique urbaine : comment s’articulent les processus de conception, fabrication et organisation des systèmes de services essentiels d’une part et de conception et fabrication des villes dans leur ensemble d’autre part ? Cette question a jusqu’à présent généralement été située à la marge de la réflexion des spécialistes des services essentiels comme de la planification urbaine.

Notre hypothèse centrale est que l’environnementalisation et en particulier la quête de sobriété mettent en jeu des articulations plus riches qu’auparavant entre fourniture des services essentiels et conception de la planification et fabrique urbaines, et se joueraient dans une large mesure dans la conception même de la planification urbaine et sa mise en œuvre.

Nous présentons d’abord le cas de l’éco-cité de Tianjin, l’opération phare et vitrine, la plus ambitieuse et substantielle sur le plan environnemental dans le pays, avant de porter notre analyse à l’ensemble des villes chinoises. En nous penchant ainsi sur le « meilleur élève de la classe », notre logique est d’analyser l’opération reconnue comme étant à la pointe des innovations et des transformations à l’œuvre en Chine en matière de développement urbain durable, et censée constituer la référence pour le développement et l’organisation des villes chinoises dans les années futures. En mettant en évidence les éléments, avancées et limites de l’environnementalisation dans cette opération de pointe, nous visons à mettre en lumière les nœuds stratégiques, les points d’avancement et de blocage éventuels qui caractérisent le pays à ce jour dans sa quête d’environnementalisation du développement. Notre objectif étant de développer un propos sur la Chine dans son ensemble, nous présentons dans un deuxième temps une analyse de la situation générale actuelle dans les villes chinoises.

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L’opération phare de l’éco-cité de Tianjin : une cité verte et éco-technologique, mais peu habitée

L’éco-cité sino-singapourienne de Tianjin, SSTEC (Sino-Singapore Tianjin Eco-City), est une opération phare lancée en 2007 par le gouvernement chinois et faisant l’objet d’un partenariat avec un consortium singapourien. Ses porteurs entendent mettre en œuvre une opération exemplaire sur le plan environnemental et à terme réplicable ailleurs en Chine. Le projet présente une conception de la ville et des systèmes de services essentiels largement novatrice en Chine.

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Un partenariat sino-singapourien d’envergure

Le gouvernement central chinois a retenu deux critères pour le choix de la localisation de cette ville : le site devait présenter des terres non arables (pour satisfaire la priorité nationale de la préservation des terres agricoles) et se trouver dans une zone de pénurie d’eau. Un site dans la municipalité de Tianjin a finalement été retenu, surtout en raison de sa situation stratégique : proche de Pékin, au sein d’une grande région urbaine formant le pôle économique majeur du nord de la Chine. Le site précis de l’éco-cité se trouve à 45 km à l’est du centre ville de Tianjin, dans la zone de développement de Binhai, au nord de la zone de TEDA (Tianjin Economic-technological Development Area).

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1. Localisation de SSTEC (R. Curien & Safege, 2014)

1. Localisation de SSTEC (R. Curien & Safege, 2014)

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Disjointe de TEDA, l’éco-cité de Tianjin appartient à la zone nouvelle de Binhai, mais son administration est spécifique. Le gouvernement central a créé au lancement de l’opération une entité administrative ad hoc, Sino-Singapore Tianjin Eco-City Administrative Committee (SSTEC-AC), responsable de la mise en œuvre et de la gestion administrative de l’éco-cité. L’opération est pilotée par un « Joint Steering Council », co-dirigé par les vice-Premiers ministres chinois et singapourien, qui décide des orientations stratégiques, et par un « Joint Working Committee », co-dirigé par le ministère chinois du Développement urbain et le ministère du Développement national singapourien et associant différentes agences gouvernementales, qui supervise la mise en œuvre du projet et la réalisation de ses objectifs.

Si la Chine fait appel à des expertises de multiples pays étrangers développés – notamment occidentaux – dans les nombreux projets d’éco-cités qu’elle a lancés depuis 2006, le pays de référence dans ses coopérations bilatérales à ce jour est Singapour, proche culturellement et socio-politiquement du régime chinois, et considéré comme un modèle de développement durable par Pékin. Aux yeux des autorités chinoises, Singapour est une référence pour – outre sa maturité technologique (notamment dans les secteurs de la gestion de l’eau et des infrastructures urbaines) – son attractivité économique, ainsi que pour son contrôle politique et social strict. C’est un modèle de modernité ou prestige urbain compatible avec le système socio-politique chinois. En outre, Singapouriens et Chinois partagent une conception entrepreneuriale de l’aménagement urbain : leur objectif premier commun dans la réalisation d’opérations urbaines est de générer des plus-values financières. Singapour est aussi le pays étranger qui est disposé à investir le plus d’argent dans une opération d’éco-cité en Chine, probablement en raison de cette proximité culturelle et socio-politique des régimes des deux pays.

À SSTEC, la partie chinoise a la charge de l’acquisition foncière et de la construction des infrastructures, réseaux de transport et bâtiments publics. Une joint venture (JV) sino-singapourienne publique-privée géante a été constituée, associant à 50-50 un consortium chinois conduit par Tianjin TEDA Investment Holding et un consortium singapourien mené par Keppel Group. Cette JV est en charge du développement foncier, de la promotion immobilière, de la promotion économique ainsi que de certaines infrastructures. Le capital fourni par la partie chinoise provient essentiellement de la vente de concessions d’usage du sol, tandis que le capital fourni par la partie singapourienne est du cash.

 

Un projet novateur visant l’exemplarité environnementale

Le plan d’urbanisme d’ensemble de l’éco-cité prévoit la construction d’une ville de 350 000 habitants et 210 000 emplois sur une surface de 34,2 km² à l’horizon 2020, soit en l’espace de seulement 12 ans. Le développement est planifié en trois phases, dont les deux premières phases prévoient dans un premier temps l’installation de 85 000 habitants et 30 000 emplois sur une surface de 4 km² au sud du périmètre de l’opération, de 2008 à 2011 ; et dans un deuxième temps de passer à 200 000 habitants et 150 000 emplois au total, avec l’aménagement du futur quartier central, de 2011 à 2015.

Le projet présente plusieurs originalités, au moins pour la Chine.

Premièrement, l’éco-cité se caractérise par une prédominance de la fonction résidentielle. Les quelques industries prévues sont des industries de création culturelle, d’électronique et d’éco-technologie dans les domaines de l’énergie solaire, de l’eau, du bâtiment, des transports (véhicules électriques) et des déchets ; des industries légères, peu consommatrices de ressources et peu polluantes, et contribuant à l’image désirée d’une éco-cité innovante et attractive.

Deuxièmement, le plan d’urbanisme entend consacrer une place importante à l’eau et à la végétation dans la ville, pour de multiples raisons (préservation de la biodiversité, activités récréatives pour les résidents, valeur esthétique), à travers l’aménagement et la mise en valeur d’un lac, de canaux, d’un grand espace vert central et de corridors écologiques.

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2. Le plan de SSTEC (site internet de SSTEC, consulté en avril 2014)

2. Le plan de SSTEC (site internet de SSTEC, consulté en avril 2014)

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Troisièmement, SSTEC-AC a établi des objectifs élevés à la fois de qualité environnementale et de sobriété, avec la réutilisation des eaux grises, la collecte pneumatique et la valorisation des déchets solides, ainsi que la production locale d’énergies renouvelables : solaire, éolien, géothermie (Wong, 2011). L’originalité sur le papier de SSTEC par rapport aux autres projets d’éco-cités chinoises tient surtout dans le système d’indicateurs quantitatifs, Key Performances Indicators (KPI), qui a été établi par SSTEC-AC pour préciser les objectifs et assurer leur mise en œuvre, reposant en partie sur les standards nationaux chinois mais retenant souvent des indicateurs plus exigeants, inspirés du modèle singapourien et d’autres cas internationaux. Aucune autre opération d’éco-cité en Chine n’a mis en place un instrument opérationnel fixant des indicateurs aussi précis.

Quatrièmement, le montage organisationnel permet une conception, construction, et exploitation coordonnées et maîtrisées des différents systèmes de services essentiels, alors que celles-ci sont habituellement très cloisonnées dans les villes chinoises. La fourniture de tous les services essentiels en réseaux au sein de l’éco-cité relève d’une même autorité régulatrice : SSTEC-AC. La construction de ces réseaux et de ces équipements est financée et réalisée par une même compagnie multi-secteurs, Tianjin Eco-City Investment and Development Co. Ltd., qui est également un actionnaire important des opérateurs des services essentiels.

Cinquièmement, plusieurs systèmes techniques innovants sont mis en place. La majeure partie de l’énergie est produite par deux centrales de co-génération d’électricité et de chaleur, pré-existantes au lancement de l’opération et situées en dehors de son périmètre. Toutefois, les porteurs de SSTEC planifient la production sur le site de l’éco-cité d’énergies renouvelables, qui devra à terme fournir 20 % de l’énergie totale utilisée en son sein : de la géothermie pour produire de la chaleur, de l’énergie solaire pour chauffer l’eau dans les immeubles d’habitation ainsi que pour éclairer les voies publiques, et de l’énergie éolienne pour produire de l’électricité. En outre, les porteurs de l’opération prévoient de contrôler la demande en énergie en construisant des « green buildings », sollicitant à cet effet l’agence singapourienne Building and Construction Authority. Un système local de chaleur et de froid pour fournir de l’eau chaude et de l’air conditionné dans un parc d’affaires de l’éco-cité doit aussi être développé par Keppel Integrated Engineering.

L’opération se distingue par la part visée élevée (50 %) de fourniture d’eau par des sources non conventionnelles telles que l’eau de mer dessalée, les eaux usées et les eaux de pluie traitées réutilisées, qui la placerait au même niveau que Singapour, leader mondial dans ce domaine. SSTEC-AC prévoit la mise en place d’un système centralisé et autonome de collecte, traitement et réutilisation des eaux usées. Toutes les eaux usées de la ville doivent être à terme conduites par canalisations dans une station de traitement qui devrait atteindre à terme une capacité de 150 000 m3/jour de traitement d’eaux usées et de 105 000 m3/jour de production d’eaux à réutiliser. Ces eaux usées traitées réutilisables doivent ensuite être distribuées par canalisations dans les différents espaces et immeubles de l’éco-cité, pour différents usages : alimentation des chasses d’eau, arrosage d’espaces verts, nettoyage de voirie, réapprovisionnement des plans d’eau… Un système de collecte des eaux de pluie par canalisations est aussi prévu.

Si les objectifs formulés par les porteurs de l’éco-cité sont également élevés dans le domaine des déchets solides (60 % de taux de recyclage des déchets solides d’ici 2013), il existe moins d’informations disponibles sur l’architecture infrastructurelle et organisationnelle prévue pour les atteindre. Un système de collecte pneumatique est prévu pour collecter et transporter une partie significative des déchets solides produits dans l’éco-cité.

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Une cité verte et éco-technologique, mais encore peu habitée

À ce stade, 8 km² ont été construits. La principale zone construite est le quartier sud, qui présente une succession de blocs orthogonaux d’immeubles résidentiels, séparés par une grille de larges voies. Le quartier se distingue par l’importance de la verdure. Le deuxième élément marquant du paysage urbain tient dans les équipements visibles de production d’énergies renouvelables : les éoliennes à l’entrée sud de SSTEC et les nombreux panneaux solaires installés sur l’espace viaire et les toits des immeubles. Enfin, ce sont le calme et le quasi vide humain qui caractérisent les lieux. Il y aurait en novembre 2013 seulement 2 à 3 000 habitants sur place. Si la réalisation de l’aménagement physique est à peu près conforme au phasage initial, l’intégration d’habitants dans l’éco-cité est en revanche très en retard. De fait, les porteurs de l’opération rencontrent de grandes difficultés pour faire venir des résidents. Plusieurs experts locaux interviewés parlent même déjà de l’éco-cité comme d’une « ville morte » ou d’une « ville fantôme ».

On peut avancer plusieurs éléments pour expliquer ce manque d’habitants : le rythme de développement fixé extrêmement soutenu, la spéculation immobilière qui touche l’éco-cité – plusieurs milliers d’appartements ont été achetés par de riches habitants au sein de la municipalité de Tianjin mais ne sont pas occupés aujourd’hui –, la localisation excentrée de SSTEC, le manque d’équipements et d’aménités urbaines (emplois, écoles, hôpitaux, commerces) sur le site à ce jour.

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3. Le quartier sud de SSTEC (R. Curien, novembre 2013)

3. Le quartier sud de SSTEC (R. Curien, novembre 2013)

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De nombreux panneaux solaires et éoliennes, ainsi que des équipements de géothermie, ont déjà été installés dans le quartier sud, mais il est compliqué de savoir dans quelle mesure ils sont aujourd’hui en service et produisent de l’électricité ou de la chaleur. Les réseaux d’eau courante sont déjà construits et en service dans le quartier sud. Les systèmes d’assainissement et de réutilisation des eaux usées, les réseaux ont aussi déjà été construits. La station de traitement des eaux usées a été construite et est en service depuis fin 2012, mais elle ne peut pas encore produire d’eaux réutilisables. Une autre unité de traitement est en construction à proximité immédiate. Le système de collecte pneumatique a déjà été construit et son opération a commencé dans le quartier sud ; les déchets solides sont conduits par cette voie dans une station au sein de SSTEC, puis transportés par camions pour être traités à l’extérieur de l’éco-cité. Toutefois, plusieurs experts nous ont indiqué que ce système de collecte pneumatique rencontre d’importantes difficultés d’« encombrement » des canalisations, en raison du mauvais tri des déchets solides effectué par les résidents.

Les innovations techniques conçues et mises en place ne peuvent pas être éprouvées faute d’habitants suffisamment nombreux. Ce point met en évidence les limites de l’approche sino-singapourienne focalisée sur la technologie et l’infrastructure. Ce prisme technico-infrastructurel qui caractérise l’opération de SSTEC minore l’attention accordée à d’autres dimensions majeures pour la réussite d’un projet urbain : le comportement des habitants/usagers, et plus largement la cohérence de la planification urbaine d’ensemble de l’éco-cité, en elle-même ainsi qu’avec son environnement territorial. Cela pose plus largement la question du mode de fabrique urbaine prévalant dans le pays, comme nous le verrons plus bas.

Au-delà du champ des services essentiels en réseaux, un certain nombre de limites apparaissent quant à la qualité et à la sobriété environnementales de l’opération. Premièrement, le suivi de la mise en œuvre des indicateurs KPI est réalisé par l’administration de SSTEC elle-même et non pas par une instance extérieure, ce qui réduit sa crédibilité. Deuxièmement, la plupart des terrains de SSTEC étaient au départ non-constructibles, l’aménagement du site a donc nécessité l’importation d’une quantité de terres exogènes considérable. Troisièmement, la pertinence environnementale du modèle d’urbanisme de l’éco-cité revendiquée par ses porteurs semble contestable. Si l’urbanisme mis en œuvre dans le quartier sud n’est effectivement pas hostile au piéton et si les trames urbaines sont de dimensions plus humaines que dans beaucoup de villes nouvelles chinoises, les blocs restent, comme on l’observe habituellement dans les villes chinoises, de grande dimension (400 m sur 400 m) et fermés (une seule ou deux entrées), ce qui rend les déplacements à pied peu commodes. Des urbanistes de l’Institut d’urbanisme de Tianjin interviewés le soulignent : « Les voies sont trop larges. La dimension de chaque bloc est trop grande. Comme l’avenue Chang’an ou la place Tian’anmen à Pékin. L’individu apparaît insignifiant. Le problème est que cette métrique n’est pas écologique »4 (Traduit du chinois).

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Dans le pays plus largement, une amélioration partielle de la qualité environnementale tandis que l’horizon de la sobriété demeure lointain

À l’issue de nos investigations de terrain, à Tianjin, mais également à Shanghai et Suzhou, il apparaît que les politiques d’environnementalisation des services essentiels se traduisent dans les villes chinoises par une amélioration partielle de leur qualité environnementale. L’étude des opérations de référence de SIP, SCIP et SSTEC, met en évidence des évolutions nettes en direction d’une plus grande qualité des services (du traitement des eaux usées et des boues notamment), de la conception, de la construction et de la maintenance des infrastructures (maîtrisées, coordonnées entre les différents secteurs, et dans une perspective de long terme).

En revanche, un écart patent apparaît en matière de sobriété entre les objectifs ambitieux et leur concrétisation. Dans les opérations urbaines dites « éco-cités » ou affichées comme exemplaires sur ce plan, le thème environnemental constitue surtout un « slogan » (Pow et Neo, 2013 ; Shiuh-Shen, 2013) : « En Chine, ces opérations, hormis celles co-pilotées avec les Singapouriens, font ‘sauter des concepts’, ne poursuivent pas des objectifs écologiques. Les éco-cités sont des ‘emballages’, des ‘arguments de vente’. C’est une bonne stratégie de vente pour l’immobilier. »5 (Traduit du chinois), analyse un urbaniste d’un Institut d’ingénierie de Shanghai. On observe au mieux des insertions ou greffes marginales de systèmes de réutilisation des ressources dans des schémas infrastructurels qui restent conventionnels, centralisés, linéaires et qui conduisent à une utilisation dispendieuse des ressources.

En outre, les avancées de qualité environnementale observées à SIP, SCIP et SSTEC ont été rendues possibles par des capacités d’actions politiques et financières, des dispositifs juridiques et une intégration organisationnelle des services essentiels qui restent exceptionnels pour le pays, et apparaissent difficilement généralisables dans les villes chinoises à ce jour. Un professeur de l’Université Tongji nous a livré une expression très utilisée en Chine : « faire de la route une fermeture éclair » : « En Chine, nous utilisons une expression : faire de la route une fermeture éclair. Tout le monde espère que la route soit comme une fermeture éclair : aujourd’hui tu mets les tuyaux de gaz, tu tires la fermeture éclair, le lendemain tu la rouvres pour mettre les tuyaux d’eau, ainsi de suite le surlendemain avec les câbles de télécommunication. Cela est épuisant, sans cesse la ville fait ainsi l’objet de chantiers d’ouverture et creusement de la voirie. »6 (Traduit du chinois). Cela traduit un manque de planification globale et de coordination dans la gestion des différents réseaux de services essentiels, et cela génère, au-delà de coûts économiques non négligeables (de maintenance et destruction/reconstruction des réseaux, de travaux sur la voirie), d’importantes nuisances urbaines et environnementales (congestion des transports liée aux chantiers sur la voirie, pollutions, détérioration de la qualité des réseaux et donc de la fourniture des services de l’eau, de l’assainissement, de l’électricité, du gaz, de chaleur et de froid). Ce phénomène est répandu, puisqu’on l’observe même dans les villes à la pointe du développement du pays comme Shanghai  et Tianjin.

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4. Chantiers de maintenance de réseaux de gaz et de chaleur sur la voirie d’un quartier central de Tianjin (R. Curien, novembre 2013)

4. Chantiers de maintenance de réseaux de gaz et de chaleur sur la voirie d’un quartier central de Tianjin (R. Curien, novembre 2013)

 

Une environnementalisation limitée car enchâssée dans une fabrique urbaine développementaliste

Notre thèse est que cette environnementalisation limitée des services essentiels s’explique par la prégnance de la fabrique urbaine développementaliste dans le pays (Curien, 2014). Le mode opératoire de planification urbaine est toujours hyper-productiviste et fonctionnaliste (Wu. et al., 2010), et le système institutionnel qui le façonne est toujours entrepreneurialiste (Wu, 2007 ; Zhang, 2008) : les dirigeants politiques locaux sont évalués par le Parti-État communiste essentiellement selon le niveau de croissance économique générée dans leur circonscription, à court terme (mandats de trois ans environ). Une professeure de l’Université Tsinghua interviewée met en exergue une expression de l’ancien président Deng Xiaoping, toujours d’actualité en Chine selon elle : « le développement est le principe dur »7 (Traduit du chinois). Ainsi, aujourd’hui encore, aux yeux des dirigeants chinois, ce qui est moderne est ce qui est grand : routes, bâtiments, équipements, réseaux, villes dans leur ensemble. Cette même professeure le décrit pour les routes : « Concernant les grandes routes, c’est la préférence des dirigeants locaux. Car ils pensent que c’est une image de modernité. Donc je ne crois pas que le problème provienne des planificateurs, il s’agit vraiment d’une volonté politique, de montrer quelque chose. Comme Louis XIV, ils [les dirigeants politiques] aiment les perspectives. »8 (Traduit de l’anglais). Tout cela tire le développement urbain dans une direction fondamentalement opposée à l’horizon de la sobriété, ainsi que de la qualité environnementale.

Plusieurs de nos entretiens montrent que le travail des planificateurs et urbanistes pèse généralement peu face au pouvoir tout-puissant des chefs politiques. Un responsable au bureau de la planification et de la construction de la Ville de Suzhou indique ainsi : « En Chine nous avons une expression : ‘un plan dessiné sur une feuille ne vaut pas une phrase du chef’. Cela signifie que la planification dépend du bon vouloir du dirigeant local du parti : même si dans l’élaboration de la planification nous pensons à beaucoup de choses, in fine les desiderata du chef peuvent engendrer beaucoup de changements. »9 (Traduit du chinois).

Cette fabrique urbaine développementaliste surdétermine les possibilités d’environnementalisation des services essentiels. Elle entraîne globalement la conception, la construction et la gestion des systèmes de services essentiels dans une finalité productiviste, une temporalité court-termiste, une logique de standardisation qui laisse peu de place à des approches plus qualitatives et plus adaptées aux caractéristiques locales, et des dynamiques d’extension spatiale continue de réseaux unitaires, ainsi que de cloisonnement entre secteurs. Cette fabrique urbaine fait ainsi structurellement obstacle à l’émergence de systèmes alternatifs aux grands réseaux conventionnels, et à une environnementalisation plus substantielle des services essentiels. Ces logiques développementalistes sont si puissantes et si enracinées dans le système administratif chinois qu’elles entravent la réalisation des objectifs de sobriété y compris dans les opérations pilotes de caractère exceptionnel comme SSTEC.

L’environnementalisation des services essentiels est néanmoins engagée, se traduisant sur le terrain, du moins dans les opérations de référence, par des améliorations de leur qualité environnementale ainsi que de leur efficacité énergétique. En somme, comme l’ont fait la plupart des pays d’industrialisation ancienne ces dernières années, la Chine se concentre sur l’optimisation de modèles conventionnels (approche end-of-pipe) plutôt que de développer de nouveaux modèles économiques, urbains et infrastructurels.

La voie d’environnementalisation des services essentiels empruntée dans les villes chinoises demeure en revanche trop techno-centrée, trop focalisée sur l’offre et trop exogène à la planification urbaine pour que les objectifs environnementaux soient atteints. Dans les opérations de référence, on observe une « couche » éco-technologique venant s’ajouter à un cadre urbanistique et infrastructurel quasiment inchangé, demeurant productiviste, fonctionnaliste, centralisé, sectorisé. La quête de qualité et de sobriété environnementales est poursuivie, mais en complément, et en marge de la structure urbaine et infrastructurelle conventionnelle. En outre, il existe des problèmes d’adéquation dans la fourniture des services essentiels entre l’offre technique proposée d’une part, et la configuration urbaine et la demande sociale d’autre part, ce qui limite fortement l’efficacité des systèmes techniques. Le cas de l’éco-cité de Tianjin l’illustre : la plupart des innovations techniques mises en place ne peuvent pas être éprouvées à ce jour faute d’habitants suffisamment nombreux, manque d’habitants lui-même dû à une fabrique urbaine d’ensemble déficiente.

La quête de sobriété dans l’utilisation des ressources dépend ainsi largement de la conception même de la planification urbaine et sa mise en œuvre. Sur le plan opérationnel, ces enseignements invitent, en Chine et au-delà du terrain chinois, à une intégration plus importante des questions liées à la fourniture des services essentiels dans la planification et l’aménagement des villes.

RÉMI CURIEN

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Rémi CURIEN est géographe-urbaniste, docteur en aménagement et urbanisme, actuellement expert technique international du Ministère des Affaires étrangères et du Développement international en Chine, où il assure la fonction de conseiller technique pour le projet de ville durable franco-chinoise à Wuhan. Il a réalisé une thèse au LATTS (Ecole nationale des Ponts et Chaussées – CNRS – Université Paris Est) en convention industrielle avec Suez Environnement sur l’environnementalisation des services essentiels en réseaux (eau, énergie, déchets) et de la fabrique urbaine en Chine, soutenue à l’École nationale des Ponts et Chaussées le 21 novembre 2014.

http://www.latts.fr/remi-curien

remi.curien AT enpc DOT fr

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Illustration de couverture : L’éco-cité de Tianjin, opération phare en Chine (Curien, novembre 2013)

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Bibliographie

Curien R., 2014. Services essentiels en réseaux et fabrique urbaine en Chine : la quête d’une environnementalisation dans le cadre d’un développement accéléré – Enquêtes à Shanghai, Suzhou et Tianjin, Thèse de doctorat d’aménagement et urbanisme, Université Paris Est, 452 p.

Curien R., 2014. “Chinese urban planning – Environmentalising a hyper-functionalist machine?”, China Perspectives, 2014/3, pp. 23-31, http://chinaperspectives.revues.org/6528.

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Zhang T., 2008. “Planning Theory and Reform in Transitional China”, City Planning Review, Vol. 32, p. 15-24.

  1. Créé en 1994 par le gouvernement central chinois dans le cadre d’un partenariat stratégique avec un consortium singapourien, situé entre le centre urbain de Suzhou et Shanghai, SIP est aujourd’hui à la fois un parc industriel et une ville nouvelle vaste de 288 km² comprenant environ 800 000 habitants et près de 10 000 entreprises (dont de nombreuses multinationales). SIP est considéré en Chine comme une référence de développement économique, mais aussi d’aménagement urbain et de qualité environnementale : qualité des services (du traitement des eaux usées et des boues notamment), de la conception, de la construction et de la maintenance des infrastructures, respect de la planification et contrôle des constructions ; l’opération présente en revanche peu de résultats en matière de sobriété énergétique et environnementale. []
  2. Créé en 2002 par la municipalité de Shanghai et devenu en quelques années l’un des fleurons de l’industrie et de l’économie shanghaïennes, SCIP est aujourd’hui considéré en Chine comme l’une des opérations les plus avancées du pays en matière d’écologie industrielle et d’économie circulaire (mise en œuvre de symbioses industrielles et d’une plus grande sobriété énergétique et environnementale dans la production industrielle même). []
  3. Tel le Grand Bond en avant, lancé par Mao Zedong en 1958. []
  4. « Ta daolu tai kuan. Mei ge jiequ de guimo tai da. Xiang Chang’an dajie, Tian’anmen guangchang. Geren hen miaoxiao. Wenti jiu zaiyu chidu bu gou shengtai. ». []
  5. « Danshi Zhongguo zhexie xiangmu, chu le xiang Xinjiapo zhudao de yiwai, wo juede henduo shi zai ‘chaozuo gainian’, jiushi bu shi zhen de wei le shengtai. Shengtai cheng shi yi zhong ‘baozhuang’, shi yi zhong ‘xiaoshou de linian’. Zhe shi fangdichan yi ge henhao de xiaoshou zhenglue. » []
  6. « Zai Zhongguo women you yi zhong shuofa jiao ‘zuo lalian malu’. Dajia xiwang malu you yi ge lalian, jintian fangxia meiqi guan, lashang, mingtian zai la yixia fangxia shui guan, houtian zai fang tongxun guanglan xiaqu. Hui shi ni hen yanjuan, chengshi zai buduan de zai kai le zai wa, wa le zai kai.  []
  7. « Fazhan shi ying dao. » []
  8. « Concerning the big roads, that’s the preference of the local leaders. Because they think that it is an image of modernity. So I don’t think it is a problem of planners, it’s really like a political intention, to show something. Like Louis XIV, they like the perspectives. » []
  9. « Zai Zhongguo women you yi zhong shuofa, jiao ‘guihua guihua, zhishang huahua, bu ru lingdao yi ju hua’. Jiu jiao Zhongguo de guihua sui yixing hen duo, suiran women zuo guihua de shihou xiang le henduo dongxi, danshi zuihou hui you lingdao de yiyuan, geren de yiyuan hui fasheng henduo bianhua. » []

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